Miliana poétique, Miliana éternelle…
La beauté du monde sensible –Yves Bonnefoy– par Jean-Michel Maulpoix
[…] La nuit, le feu, la pierre, l’ ardeur et la griffure des ronces opiniâtres, le gonflement de la sève dans les branchages, leurs nœuds inextricables, ou la légèreté lumineuse des rameaux d’amandiers « au mois des fleurs », les jeux de l’eau dans la lumière, la neige et son apparence « de réalité parfaitement pure », le frémissement des étoiles, le cri inquiétant d’un rapace, la barque qui dérive et s’éloigne « sur le courant de l’espoir gros de la mort », sont les éléments privilégiés de cette parole, et comme « les contreforts du vrai lieu » dont L’Arrière-pays nous rappelait qu’il est ici, « dans cette promesse » que renouvellent les changeants paysages du sensible où « l’absolu se déclare », signe et substance tout à la fois [… ]
Miliana dans le « Dictionnaire amoureux de l’Algérie » de Malek Chebel
Miliana, est l’une des rares villes d’Algérie qui a pu résister, un tant soit peu, à la dévastation de sa mémoire, et au bouleversement de ses vieilles valeurs. Peut être parce que sa configuration même, de ville construite à flanc de montagne, et au bord d’un abîme, enlacée par des murailles protectrices, lui a évité l’invasion bétonnière qui a ravagé toutes les vieilles villes du pays.
Mais Miliana n’est plus ce qu’elle fut, langoureuse et toujours embaumée de senteurs forestières. Ville de citadins par excellence, peuplée de descendants d’Andalous, de Kourouglis et de Berbères du Zaccar, cette très vieille ville, cité antique, qui a été érigée durant la période Romaine, et dont la prospérité lui a valu, plus tard, le nom de « meliana » (emplie de richesses), était, il n’y a pas longtemps, réputée pour la qualité de ses cerises. De nombreuses ceriseraies entouraient la ville, jusqu’à la plaine du Chélif, et chaque année, une fête des cerises venait égayer toute la région. Je me rappelle que dans les années 80, quand j’allais d’Oran à Alger, je faisais un grand détour, par une route de montagne, juste pour aller prendre un café et un verre d’eau à Miliana.
Miliana la bienheureuse, une des rares villes où le citadin et le paysan baignent dans une harmonieuse cohabitation, toute de délicatesse et de modestie, parce que également pétris d’art et de culture, et nés, l’un comme l’autre, au sein d’une nature généreuse, où le chant des rossignols est porté par les effluves des cerisiers en fleur.